Leçon 1 : Considérer le besoin derrière le comportement
Pour commencer, je vais vous raconter l’histoire de Bruno (nom fictif), un petit coco timide, très sensible, qui avait peur de déranger et de déplaire. Bruno était le genre d’enfant qui nous amène à nuancer nos interventions parce que tout le groupe s’est mal comporté, SAUF LUI. Pendant plusieurs mois, on a travaillé intensivement sa voix de « Bruno fâché » pour qu’il apprenne à dire non aux autres lorsqu’ils avaient comportement désagréable envers lui. L’affirmation, c’était un défi pour lui.
Un bon jour, à ma grande surprise, Bruno a osé… Il a désobéi! Ce n’était pas un très gros écart de conduite, mais il n’a pas respecté une consigne que j’ai donnée. Sur le moment, je me suis questionnée sur ce que je devrais faire. La consigne était la même depuis le début de l’année, et je n’aurais pas laissé passer un tel comportement de la part des autres enfants…
J’aurais pu le réprimander, j’aurais pu lui donner une conséquence logique comme je le faisais pour les autres, mais je n’ai rien fait. J’ai choisi de considérer cet évènement comme une preuve que Bruno se sentait (enfin!) assez en confiance pour être lui-même dans le groupe et j’ai fait comme si rien ne s’était passé.
Évidemment, si la situation s’était répétée, je serais intervenue différemment. Mais savez-vous quoi? C’est la seule fois où Bruno a désobéi en deux ans dans mon groupe. Ce jour-là, il avait besoin de s’exprimer, de lâcher son fou, et c’était beau de le voir agir en toute confiance. Laissez-moi vous dire qu’à la fin de la journée, plutôt que de nous désoler de son comportement, ses parents et moi nous sommes réjouis que Bruno ait enfin osé!
La leçon que cette situation m’a apprise, c’est qu’il n’y a pas de recette toute faite ou de stratégie universelle. Oui, lorsqu’on parle de gestion des comportements, la constance est importante, mais il y a toujours des exceptions. Il ne faut pas voir juste le comportement, mais chercher à comprendre ce qu’il y a derrière. Pour cet enfant, le fait de dépasser (légèrement!) la limite était le fruit d’un travail sur l’affirmation de soi qu’on faisait depuis des mois.
Cette expérience m’a amenée à comprendre que pour être équitable envers les enfants, il ne suffit pas de donner la même chose à tous, mais d’analyser ce dont chacun a besoin. Depuis ce temps, je nuance davantage mes interventions lors des séances de coaching. Je propose des stratégies aux intervenantes, mais celles-ci ont toujours le dernier mot. Sens-tu que ça répond au besoin de l’enfant? Est-ce que ça correspond à ta réalité? Il n’y a pas de prescription toute faite, mais bien une série de « ça dépend ».
Leçon 2 : Respecter leur rythme et leur faire confiance
Au début de ma carrière, j’ai travaillé comme éducatrice en contexte d’immersion anglaise. Comme on accueillait nos tout premiers enfants cette année-là, ceux-ci n’avaient aucun bagage en anglais. Rapidement, j’ai constaté que mon groupe manifestait de l’intérêt envers cette langue et que les enfants comprenaient les propos qui leur étaient adressés. Graduellement, je les ai vus prendre confiance et commencer à répéter des mots en anglais, pour ensuite en utiliser quelques-uns par eux-mêmes, et même essayer de faire des phrases.
Tous, sauf une…
Une petite cocotte plus timide n’osait pas parler anglais. Après plusieurs mois, elle me parlait toujours en français. Je voyais qu’elle n’était pas rendue au même niveau que les autres, mais je ne la forçais pas. Je voulais surtout qu’elle garde sa curiosité et sa motivation.
Un bon jour, sans que je m’y attende, elle est venue vers moi et m’a demandé « Miss Marie-Michelle, can you watch this? I need to go to the bathroom » (traduction : Madame Marie-Michelle, peux-tu surveiller ça? J’ai besoin d’aller aux toilettes). Je n’en revenais tout simplement pas!
La leçon que j’ai apprise de cette situation, c’est que les enfants absorbent beaucoup plus qu’on ne le pense, mais qu’ils l’utilisent à leur propre rythme. Même si leur progrès est peu visible, même si on a l’impression d’avoir atteint un plateau, ils écoutent et ils apprennent. Certains ont besoin de plus de temps, de développer leur confiance en eux, mais chose certaine, les graines que l’on sème dans leur tête germeront tôt ou tard. Il suffit de respecter le rythme de l’enfant et de lui faire confiance. Les enfants ont une tendance naturelle à se développer!
Cette expérience est venue teinter toute ma philosophie éducative par la suite. Depuis ce temps, j’utilise régulièrement la métaphore du jardin pour expliquer le rôle de l’éducatrice ou de l’enseignante et le rythme de développement des enfants : rien ne sert de tirer sur les fleurs pour les faire pousser plus vite, il suffit leur donner ce dont elles ont besoin et elles fleuriront lorsque le moment sera venu.
Leçon 3 : Prendre le temps de les écouter
Pour cette dernière situation, je vous amène au moment de la détente dans ma classe de maternelle. Un petit garçon, qu’on nommera Josh pour les besoins de la cause, avait beaucoup de difficulté à se « réveiller » après la détente. Chaque jour, même s’il ne dormait pas, Josh refusait de se lever. Il faisait semblant de dormir et nous ignorait. L’approche directe ne fonctionnait pas. Si on le forçait à se lever, Josh se roulait en boule dans sa doudou et pouvait rester ainsi, comme un escargot dans sa coquille, jusqu’à la fin des classes.
Ayant essayé quelques interventions sans succès, j’ai décidé d’aller lui parler. Je voulais que Josh sente que j’étais là pour lui et non contre lui. Qu’est-ce que je lui ai dit? Pas grand chose… Je lui ai simplement demandé comment il se sentait au moment du réveil et ce que je pouvais faire pour l’aider. Mais surtout, je l’ai écouté.
Sa réponse : lui donner un moment pour qu’il se réveille tranquillement et mettre le minuteur visuel (Time timer) pour qu’il voie le temps restant. Oui oui, il a proposé cela par lui-même! Josh vivait beaucoup de frustration lors de la relaxation, car il avait de la difficulté à s’orienter dans le temps et il se sentait pressé de se lever. J’ai donc fait ce qu’il m’a demandé, et à partir de ce moment, je n’ai plus revu de petit escargot dans ma classe.
La leçon que cette situation m’a apprise, c’est de prendre le temps d’écouter les enfants. Généralement, un comportement indésirable cache une situation ou émotion que l’enfant a de la difficulté à traverser. Plutôt que d’essayer 1001 techniques d’intervention, et si on prenait le temps d’écouter ce qu’ils ont à dire?
Quand on leur laisse l’espace pour le faire, les enfants peuvent être en mesure d’exprimer ce qui les dérange. Ils peuvent même proposer des solutions ou choisir celle qui leur convient le mieux parmi les options offertes. Je ne dis pas que c’est une solution magique à tous les problèmes, mais se sentir écouté fait souvent une différence dans le désir de collaborer de l’enfant. C’est une avenue qu’on gagne à explorer!
Depuis ce temps, l’une des premières questions que je pose aux intervenantes lors de mes rencontres de soutien c’est : « Et l’enfant dans tout cela? Lui as-tu demandé comment il voit la situation? Lui as-tu demandé ce qui lui ferait du bien? ». Ces questions amènent un changement dans notre posture éducative. On sort de l’approche classique de la « discipline » pour tisser un réel partenariat avec l’enfant. Et lorsqu’on y arrive, on peut vraiment être surprise des résultats!
Conclusion
Ces trois situations ont été marquantes dans ma carrière. Elles m’ont permis de mettre à l’épreuve les pratiques que j’avais apprises à l’école et de définir mon approche d’intervention. Au final, c’est pas mal ça être éducatrice ou enseignante : accepter qu’on n’a jamais fini d’apprendre et laisser les enfants nous enseigner des leçons qu’on ne retrouvera dans aucun manuel scolaire.
Racontez-moi vos expériences dans les commentaires. Je vous lirai avec grand plaisir!