En tant qu’intervenant.e ou que parent, on a tous et toutes déjà été confrontés à une situation où l’enfant se met dans tous ses états pour une raison qui nous semble injustifiée ou déraisonnable :
- Un enfant qui pleure à chaudes larmes parce qu’il ne retrouve plus un jouet
- Un enfant qui a une peur bleue devant un insecte
- Un enfant qui fait une crise de colère pour la couleur d’un verre
- Et j’en passe!
Colère, tristesse, peur, anxiété… Qu’elle soit logique ou non pour nous, l’émotion est bien réelle pour l’enfant. Il la vit intensément, la ressent dans tout son corps. Elle prend toute son énergie et toute son attention.
Devant un enfant qui vit une émotion avec une telle force, on ne sait pas toujours quoi dire ou comment réagir. Dans cet article, je vous présente donc trois phrases à ne pas dire à un enfant qui vit une grande émotion. Bien qu’on les entende régulièrement (et qu’elles soient rarement dites avec des intentions malveillantes), ces phrases n’aident malheureusement pas l’enfant à traverser une émotion difficile. Au contraire, elles peuvent même empirer la situation ou provoquer l’escalade de la crise.
1. Ce n’est pas grave
De notre point de vue d’adulte (qui, avouons-le, avons des problèmes plus costauds à gérer), les situations pour lesquelles les enfants se mettent dans tous leurs états peuvent sembler banales. Par contre, elles revêtent une toute autre importance lorsqu’on les considère du point de vue de l’enfant.
Par exemple, un simple toutou peut représenter une partie importante de l’univers du jeune enfant. C’est une marque de sécurité qui lui rappelle la maison lorsqu’il est au service de garde, entouré de nouvelles personnes. Égarer son toutou peut causer une grande anxiété à l’enfant : comment vais-je me réconforter lorsque mes parents vont partir? Est-ce que je vais être capable de m’endormir seul? Sans son toutou, il est privé des repères qui l’aident à fonctionner. Il est alors primordial pour lui de retrouver ledit toutou avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Devant une telle situation, lorsqu’on répond à l’enfant « C’est pas grave, on le cherchera plus tard », on lui envoie le message que sa détresse est injustifiée. Pourtant, elle est bien réelle. Pour lui, la situation est grave et elle est urgente. Il n’arrive pas à penser à autre chose, car toutes ses facultés sont prises par l’émotion. On devrait donc éviter d’utiliser des phrases comme « Ce n’est pas grave », « Ce n’est pas important », ou pire encore « Tu ne mourras pas pour ça! » et « Tu ne t’en souviendras plus le jour de ton mariage! » qui minimisent (voire qui ridiculisent) les difficultés vécues par l’enfant. Une telle réaction accentue le malaise de l’enfant qui se sent coupable d’éprouver de telles émotions.
2. Ne pleure pas pour ça
Lorsque l’enfant vit une émotion, quelle qu’elle soit, il est rapidement envahi par celle-ci. C’est comme une grosse vague qui inonde son cerveau sans qu’il l’ait vue venir. L’émotion occupe toute la place dans sa tête et déclenche une foule de manifestations dans son corps : pleurs, cris, palpitations, tremblements, etc.
Comme l’a dit une de mes amies confrontée à une situation similaire dernièrement : « De notre point de vue d’adulte, on espère naïvement entendre l’enfant dire “Ce n’est pas grave, je le retrouverai plus tard. Je vais continuer ma routine pour le moment”, mais c’est impossible. »
Effectivement, l’enfant a bien peu de pouvoir face à cette vague émotionnelle. Même avec toute la volonté du monde, son cerveau encore immature n’a pas la capacité de « contrôler » ses émotions. L’enfant doit donc apprendre à faire composer avec les différentes réactions physiologiques qui se manifestent sans crier gare (ou comme je le dis souvent, apprendre à surfer sur la vague!).
Fait intéressant : L’aire du cerveau responsable de la gestion des émotions n’arrive à pleine maturité qu’autour de 20 ans, ce qui explique pourquoi nos ados ont parfois des petites rechutes!
Pour aider l’enfant à maitriser sa réaction, il peut donc nous arriver de dire des choses comme « Ne pleure pas pour ça », « Ce n’est pas nécessaire de pleurer » ou « Pas besoin de faire une crise pour ça ». Le problème, c’est justement que l’enfant ne peut pas contrôler sa réaction lorsqu’il vit une grande émotion. De telles paroles lui envoient plutôt le message que sa réaction est inappropriée, injustifiée ou que ses émotions sont inadéquates. Comme il ne sait pas comment reprendre le contrôle sur celles-ci, cela ne fait qu’accentuer son malaise et sa détresse.
3. Lui proposer des solutions
Enfin, lorsqu’on considère la situation qui pose problème à l’enfant d’un œil extérieur (et avec notre expérience d’adulte), les solutions peuvent sembler évidentes. Bien intentionné.e, on tente alors de le raisonner ou de lui faire voir le bon côté des choses avec des paroles comme : « Le verre importe peu, tu vas avoir ton lait quand même », « Tu vas pouvoir reprendre ton jouet quand on va rentrer » ou encore « Ce n’est pas dangereux, les petites bibittes ne mangent pas les grosses ». On se dit que lorsqu’il aura compris la logique derrière nos explications, l’enfant cessera de pleurer. Malheureusement, le cerveau ne fonctionne pas comme ça!
Comme je le disais plus tôt, lorsque l’enfant vit une grande émotion, son cerveau (et tout son corps!) est absorbé par celle-ci. C’est biologique, ses capacités de raisonnement sont inaccessibles tant que l’émotion est présente. Peu importe à quel point nos explications sont logiques ou rassurantes, l’enfant n’est pas en mesure d’assimiler ce qu’on lui dit. Il est donc peu utile de lui proposer des solutions lorsqu’il est absorbé par l’émotion.
C’est la même chose pour nous en tant qu’adulte. Imaginez que vous avez eu une dure journée au boulot. Une situation vous a blessé.e ou vous rend anxieux.se. Vous y pensez toute la journée… Au retour, vous en discutez avec votre partenaire qui s’empresse de vous proposer différentes solutions. Quelle est votre réaction? Il y a des chances que vous lui répondiez que vous avez surtout besoin d’être écouté.e et de vous sentir compris.e.
Eh bien les enfants sont pareils! Quand ils sont envahis par la vague, ils ont avant tout besoin d’être écoutés, réconfortés, et de se sentir compris. Une fois le tsunami apaisé, ils seront plus disposés à envisager les solutions par la suite.
Conclusion
En somme, face à un enfant qui traverse une situation difficile, mieux vaut éviter les paroles qui discréditent sa réaction et minimisent sa détresse. La clé, c’est avant tout d’accueillir les émotions de l’enfant avec bienveillance.
Vous aimeriez accompagner l’enfant avec plus de bienveillance dans la régulation et l’expression de ses émotions? Dans ma formation Apprendre à surfer la vague, je vous présente différentes stratégies pour guider l’enfant qui navigue à travers des émotions difficiles ou qui traverse une tempête (crise). Elle peut être offerte à un groupe de parents ou aux intervenant.e.s de l’éducation préscolaire.