Qu’on soit parent, éducateur.trice ou enseignant.e, nous partageons tous la même mission : éduquer des enfants qui deviendront des adultes autonomes, capables de réfléchir, de faire des choix et jouer un rôle actif dans la société. Pour y arriver, on insiste sur l’importance de laisser de la liberté aux enfants, de leur permettre de faire des choix, d’exercer leur initiative et d’exprimer leur opinion.

Toutefois, cela ne veut pas dire de les laisser faire tout ce qu’ils veulent sans leur imposer de limites. Pour favoriser le développement harmonieux des enfants, un juste équilibre entre permissivité et limites est de mise. Dans cet article, je vous explique pourquoi il est important de fixer des limites aux enfants.

Que sont les limites?

Tout d’abord, entendons-nous sur ce que sont les limites. En gros, les limites sont un ensemble de règles qui encadrent le comportement de l’enfant, notamment en précisant ce qui est acceptable ou non. Elles lui permettent de développer son autonomie tout en étant respectueux des autres personnes qui l’entourent.

Selon Rosine Des Chênes, il y a trois types de limites : les interdits majeurs, les règles et les modes d’emploi. Voyons à quoi chaque type correspond.

Interdits majeurs

Comportements jugés comme inacceptables dans la société parce qu’ils portent atteinte à une personne ou à sa propriété, par exemple :

  • Violence physique
  • Violence verbale ou intimidation
  • Bris du matériel, vandalisme
  • Vol

Règles

Grandes lignes de conduite qui guident les comportements dans différents milieux, par exemple :

  • Règles de la communication
  • Règles d’hygiène
  • Consignes de sécurité
  • Règles de vie 
  • Horaire type 

Modes d’emploi

Façon dont on accomplit une tâche spécifique dans un milieu donné, habitudes propres à ce milieu, par exemple :

  • Routines 
  • Rituels
  • Rangement
  • Habillement

Pourquoi les limites sont-elles importantes?

Les limites ne sont pas seulement importantes, elles sont essentielles au développement harmonieux de l’enfant. Notre mission en tant que parents et intervenant.e.s, c’est que les enfants qu’on accompagne deviennent des adultes responsables, capables de réguler leur comportement de façon autonome et d’interagir harmonieusement avec les autres. Et pour y arriver, ça prend des limites! Dans les prochains paragraphes, je vous présente 4 raisons pour lesquelles il est important de fournir des limites à l’enfant.

1. Parce que l’enfant ne peut pas se les imposer lui-même

Biologiquement parlant, le jeune enfant est programmé pour satisfaire ses propres besoins (c’est comme ça qu’il assure sa survie!). Par exemple, en pleurant, le bébé nous alerte qu’il a faim et on vient le nourrir. Il expérimente ainsi le plaisir associé à la satisfaction de ses besoins. 

En vieillissant, bien que l’enfant soit plus autonome, il est encore motivé par son plaisir et sa satisfaction immédiate. C’est pourquoi on dit souvent qu’il est égocentrique. Ce qu’on veut dire par là, c’est que l’enfant d’âge préscolaire est centré sur sa propre perception. C’est biologique, son cerveau n’a pas encore atteint la maturité nécessaire pour qu’il puisse considérer le point de vue de l’autre (cela n’arrive d’ailleurs qu’autour de 6 ans).

Jusqu’à cet âge, l’enfant n’a pas encore conscience que ses choix et ses comportements ont un impact sur les autres. Il ne peut donc pas réguler son comportement de façon autonome. Pour aider l’enfant à adopter un comportement approprié à la vie en groupe, l’adulte doit lui fournir les limites qu’il n’est pas encore en mesure de s’imposer par lui-même. Grâce aux limites, l’enfant apprend graduellement que sa liberté s’arrête où celle des autres commence.

2. Pour assurer la sécurité physique et psychologique de tous

Similairement, le jeune enfant n’est pas encore conscient des dangers qui l’entourent. Bien qu’il soit parfaitement acceptable de jouer au ballon dans la cour, l’enfant ne peut pas courir chercher son ballon dans la rue sans regarder, au risque d’être heurté par une voiture. En ce sens, il est primordial qu’on impose des limites aux enfants pour assurer leur sécurité.

En milieu éducatif, les limites qu’on impose aux enfants permettent aussi d’assurer la sécurité des autres. Par exemple, le fait de lancer des roches n’est pas dangereux en soi pour l’enfant, mais cela peut considérablement compromettre la sécurité des enfants qui jouent à proximité. Les limites permettent donc de réorienter ce comportement vers un jeu moins dangereux. 

Les limites permettent également de protéger l’intégrité psychologique des enfants. Aucun enfant (ni aucun être humain d’ailleurs!) ne devrait être humilié, rabaissé, ridiculisé ou intimidé. Définir les comportements acceptables lorsqu’on est en colère ou lorsqu’on vit un conflit permet ainsi d’assurer la sécurité psychologique des enfants dans le groupe. Oui, c’est acceptable d’être fâché, mais on ne peut pas dire n’importe quoi à nos amis pour autant.

Les limites permettent ainsi de protéger les enfants des gestes ou des paroles qui pourraient porter atteinte à leur intégrité physique et psychologique.

3. Pour développer l’autodiscipline

Apprendre à respecter des limites venant de l’extérieur, c’est une étape intermédiaire qui permet à l’enfant de développer l’autodiscipline, un peu comme un bébé qui apprend à marcher à 4 pattes avant de se lever debout.

Partons du principe que pour le jeune enfant, ce qui est « bien » ou « acceptable », c’est ce qui lui procure une satisfaction immédiate. C’est donc à l’adulte que revient le rôle de le guider vers les comportements acceptables ou non. Jusqu’à 6 ans, l’enfant, encore centré sur lui-même, se conforme principalement aux limites qu’on lui impose pour nous faire plaisir ou pour éviter les sanctions. On pourrait croire que cela n’est pas souhaitable, mais au contraire, c’est une étape nécessaire vers l’autodiscipline.

Avec le temps, à force d’être confronté aux mêmes limites avec constance, l’enfant en vient à les considérer comme les siennes. Il intègre que dans la famille ou dans le milieu éducatif, on se comporte de telle façon. Il commence ainsi à se conformer aux règles par sentiment d’appartenance. Lorsque l’enfant perçoit les limites comme étant les siennes, il peut ensuite les respecter par lui-même, pour le bien-être des autres et la satisfaction personnelle d’avoir bien agi. Et c’est ce qu’on veut! Toutefois, les limites doivent d’abord être imposées de l’extérieur pour que l’enfant vienne à les percevoir de l’intérieur.

4. Pour favoriser l’adaptation au milieu éducatif

En milieu éducatif, les limites claires et constantes rendent l’environnement prévisible. L’enfant sait clairement ce qui est attendu de lui, ce qui est permis ou non. Il peut donc prendre des initiatives à sa hauteur pendant ses jeux, tout en sachant les limites à ne pas franchir. Selon Rosine Des Chênes, c’est comme faire une randonnée : « Quand il est facile de suivre la route, parce que les bords sont bien délimités, on peut tout à loisir profiter du beau temps, du plaisir de l’exercice et de la beauté du paysage ». (p. 136)

De plus, les limites appliquées de façon constante amènent un sentiment de sécurité chez l’enfant. Grâce aux limites, il sait que sa sécurité et son intégrité psychologique seront protégées en toutes circonstances. Cela lui permet de profiter pleinement des situations offertes et de s’impliquer dans son jeu sans inquiétude.

En créant un tel sentiment de prévisibilité et de sécurité chez l’enfant, les limites favorisent son adaptation au milieu éducatif. C’est d’ailleurs un élément important à mettre en place dès le début de l’année pour faciliter l’intégration au service de garde.

Conclusion

Mine de rien, dans cet article, on vient de déconstruire un mythe qui a la tête dure par rapport à la discipline : en imposant des limites à l’enfant, on nuit à leur autonomie. Au contraire, je crois avoir bien démontré que fournir des limites aux enfants, c’est le meilleur moyen de les aider à développer leur autonomie. Ils apprennent ainsi à prendre des initiatives tout en assumant la responsabilité de leur comportement par rapport aux autres. 
Les limites forment un cadre à l’intérieur duquel l’enfant sait qu’il peut satisfaire ses besoins et ses désirs tout en s’adaptant à la réalité sociale ambiante.

-Rosine Des Chênes

Pour déboulonner d’autres mythes concernant la discipline et acquérir des stratégies de gestion des comportements qui répondent au besoin d’autonomie et de sécurité des enfants, je vous invite à consulter ma formation Au-delà de la discipline. Elle peut être offerte à la fois aux milieux éducatifs et aux parents qui souhaitent remettre leurs pratiques en question.
Pour définir vos limites et établir votre plan de gestion des comportements dès le début de l’année, jetez un oeil au Bootcamp de la rentrée. Un “camp d’entrainement” virtuel où vous pourrez poser les bases de votre pratique en compagnie de collègues qui vivent la même réalité que vous. Une parfaite combinaison entre formation, réflexion et partage de ressources!

Référence :

Des Chênes, R. (2012). Guider les enfants vers l’autodiscipline. Chenelière Éducation.